Dans le domaine de la prothèse dentaire, deux mondes coexistent aujourd’hui : la méthode traditionnelle, héritée de décennies de savoir-faire artisanal, et la méthode numérique, portée par des avancées technologiques majeures.
Si la prothèse complète traditionnelle reste une référence pour bon nombre de praticiens et de prothésistes, la conception numérique gagne du terrain grâce à son efficacité, sa précision et le gain de temps qu’elle offre.
Dans cet article, nous explorons ces deux approches, leurs avantages, leurs limites, et les outils essentiels pour réussir une transition vers le numérique, tout en respectant les protocoles cliniques.
Sommaire : La Prothèse Amovible Complète – Traditionnel vs Numérique
- Le choc du traditionnel et du numérique : deux mondes, deux méthodes
- La méthode traditionnelle : un processus long et complexe
- La CFAO : la révolution numérique
- L’empreinte : base fondamentale en traditionnel ou numérique
- Le scan des muqueuses : les écarteurs Lo Russo, un outil indispensable
- Le scan d’appareil existant : le rebasage, une alternative efficace
- La copie de prothèse : un atout du numérique
- La conception en numérique : avantages et limites
- Les avantages du numérique : efficacité et précision
- Les limites de la conception numérique : des défis à relever
- La production : usinage ou impression, un choix stratégique
- La prothèse amovible complète et l’impression 3D : les grandes évolutions
- La prothèse amovible complète et l’usinage : une solidité éprouvée
- Conclusion : Quelle voie choisir pour vos prothèses amovibles ?
1. Le choc du traditionnel et du numérique : deux mondes, deux méthodes
La méthode traditionnelle : un processus long et complexe
La fabrication d’une prothèse complète selon la méthode traditionnelle est un processus minutieux qui demande une coordination étroite entre le dentiste et le laboratoire.
Tout commence lorsque le dentiste reçoit le patient pour prendre une empreinte primaire, souvent réalisée avec des matériaux comme l’alginate ou le silicone. Cette empreinte est ensuite envoyée au laboratoire, où elle est coulée pour fabriquer un porte-empreinte individuel (PEI). Une fois cet outil prêt, il retourne au cabinet dentaire pour une empreinte secondaire, plus précise, qui est à nouveau transmise au laboratoire.
Là, l’empreinte est coulée et emboxée, une étape clé pour garantir que la résine de la prothèse épouse parfaitement les tissus buccaux et assure un effet de sustentation – ce maintien en bouche grâce à un effet de succion naturelle. Le laboratoire fabrique ensuite une maquette en cire, renvoyée au dentiste pour un essayage avec le patient.
Ce dernier peut alors demander des ajustements, notamment sur la position des dents, pour répondre à ses attentes esthétiques ou fonctionnelles. Une fois validée, la maquette donne lieu à la prothèse définitive en résine. Mais si une dent s’est déplacée lors de la préparation du moule, la prothèse doit repartir au laboratoire pour corrections, allongeant ainsi les délais.
Ce processus, bien qu’éprouvé reste un processus long nécessitant de nombreux échanges entre le dentiste, le prothésiste et le patient.

La CFAO : la révolution numérique
Avec la Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur (CFAO), le processus traditionnel est réinventé.
Imaginez un dentiste utilisant un scanner 3D intra-oral Medit pour capturer une empreinte numérique des muqueuses du patient en quelques minutes. Cette technologie élimine le besoin de plusieurs empreintes physiques et réduit les inconforts pour le patient.
Cependant, pour que cette empreinte soit fiable, il faut stabiliser les tissus mous, qui bougent naturellement. C’est pour cela qu’il est recommandé d’utiliser des écarteurs spécifiques, placés au fond du vestibule pour étirer les tissus au niveau de la crête, garantissant une précision optimale.
Une fois le scan terminé, le dentiste peut scanner l’intrados de l’appareil – la face en contact avec les muqueuses – et envoyer les fichiers numériques au prothésiste. Ce dernier utilise un logiciel de CFAO dentaire comme exocad pour concevoir la prothèse, passant directement à la fabrication via des technologies numériques. Ce workflow simplifié accélère le processus et minimise les erreurs.

2. L’empreinte : base fondamentale en traditionnel ou numérique
Que l’on travaille en traditionnel ou en numérique, la qualité de l’empreinte reste fondamentale pour garantir une prothèse fonctionnelle et confortable. En numérique, des outils et des méthodes spécifiques permettent d’aller encore plus loin dans la précision.
Le scan des muqueuses : les écarteurs Lo Russo, un outil indispensable
Scanner les muqueuses avec un scanner 3D intra-oral est une étape cruciale dans la méthode numérique, mais elle peut être compromise par les mouvements naturels des tissus mous. Sans stabilisation, ces tissus rendent l’empreinte imprécise, ce qui peut entraîner des ajustements coûteux ou une prothèse mal adaptée.
Les écarteurs Lo Russo répondent à ce défi. Conçus pour être placés au fond du vestibule, ils étirent les tissus au niveau de la crête, offrant une stabilité essentielle pendant le scan.
Ces outils se distinguent par leur prix abordable – un atout pour les cabinets dentaires – et leur durabilité, car ils sont réutilisables sur de nombreux patients. Leur facilité d’utilisation en fait un investissement rentable, surtout quand on considère les économies réalisées grâce à des empreintes plus fiables dès le départ.
Pourtant, beaucoup de dentistes hésitent encore à les adopter, souvent par manque de connaissance ou par habitude des méthodes traditionnelles. Utiliser des écarteurs, c’est s’assurer un gain de précision précieux.

Le scan d’appareil existant : le rebasage, une alternative efficace
Pour les patients possédant déjà une prothèse complète, comme une prothèse provisoire, une autre méthode permet d’obtenir une empreinte fiable : le rebasage.
Le dentiste place de la pâte à empreinte dans l’intrados de l’appareil existant, puis le repositionne en bouche pour qu’il s’adapte parfaitement aux muqueuses. Grâce à l’effet de sustentation, la prothèse reste stable, offrant une empreinte précise en une seule étape.
Cette technique présente un avantage majeur : le patient peut repartir avec sa prothèse existante pendant que la nouvelle est en cours de conception, évitant toute interruption dans son quotidien.
Même une prothèse imprimée en 3D peut être rebasée, ce qui simplifie encore le processus. Une fois l’ajustement terminé, la prothèse est scannée à 360 degrés, et les fichiers numériques sont intégrés dans un logiciel de CFAO pour concevoir la version définitive.

La copie de prothèse : un atout du numérique
La copie de prothèse est une fonctionnalité puissante offerte par des logiciels comme exocad, notamment via son module Prothèses Complètes. Le dentiste commence par scanner une prothèse existante à 360 degrés pour capturer toutes ses caractéristiques, de la base aux dents.
Dans exocad, le logiciel sépare automatiquement ces éléments, permettant au prothésiste de les imprimer ou de les usiner séparément. Il génère aussi un modèle numérique par arcade à partir de l’empreinte scannée, idéal pour les praticiens qui préfèrent travailler avec un modèle physique.
Cette méthode offre des avantages concrets : les fichiers STL (base et dents) sont figés et réutilisables, ce qui permet de refabriquer une prothèse identique en cas de perte ou de dommage. Elle réduit également les erreurs humaines liées à la fabrication manuelle, assurant une reproduction fidèle.
Cependant, ce module a ses limites. Exocad s’appuie sur la morphologie détectée lors du scan et ne permet pas d’intégrer facilement une nouvelle bibliothèque dentaire. Si un patient souhaite une anatomie dentaire différente, des modifications manuelles complexes sont nécessaires. D’autres solutions pourraient offrir plus de flexibilité.

3. La conception en numérique : avantages et limites
Les avantages du numérique : efficacité et précision
La conception numérique transforme la pratique dentaire avec des bénéfices indéniables. Elle permet un gain de temps considérable en éliminant des étapes manuelles comme l’emboxage ou la mise en moufle, réduisant ainsi les risques d’erreurs humaines.
Moins d’étapes, c’est aussi moins de rendez-vous pour le patient, améliorant son confort et sa satisfaction. Grâce à la précision des scanners 3D et à la CFAO, les prothèses numériques offrent souvent une meilleure sustentation.
Le numérique réduit également le gaspillage de matériaux traditionnels – plâtre, cire – et les fichiers STL archivés permettent de reproduire une prothèse à tout moment. En somme, c’est une approche plus efficace et écologique.
Les limites de la conception numérique : des défis à relever
Malgré ces atouts, le numérique présente des défis. Les logiciels comme exocad ne respectent pas toujours automatiquement les indices biologiques, ces repères en bouche essentiels pour positionner les dents. Cette étape reste manuelle, exigeant une expertise supplémentaire.
La qualité des résines utilisées en impression 3D varie aussi selon les matériaux et le respect des protocoles (nettoyage, post-traitement, cuisson). Ces résines sont souvent plus poreuses et moins denses que les résines traditionnelles, bien que l’usinage PMMA offre une alternative plus robuste.
Enfin, en impression 3D, il faut parfois augmenter l’épaisseur des fichiers STL pour garantir la résistance, ce qui peut altérer l’esthétique ou le confort.
Piqure de rappel : le numérique, oui, mais avec rigueur
Le passage au numérique est une opportunité exceptionnelle pour simplifier les processus, réduire les coûts et améliorer la satisfaction des patients. Cependant, il ne faut pas oublier que le numérique ne remplace pas le respect des protocoles cliniques et techniques.

4. La production : usinage ou impression, un choix stratégique
Dans l’univers des prothèses dentaires, deux techniques de production dominent aujourd’hui : l’usinage et l’impression 3D. Ces approches, bien que complémentaires, répondent à des besoins distincts en termes de matériaux, de coûts et de résultats finaux.
L’usinage s’appuie sur des disques comme les PMMA ou le système Ivotion de chez Ivoclar, qui propose un disque innovant avec un dégradé intégré : une base rose en bas et des dents préformées en haut, idéal pour une conception numérique rapide. Il est possible d’explorer différentes solutions d’usinage dentaire selon les besoins spécifiques.
Une autre option courante consiste à intégrer des dents du commerce, comme les dents numériques Vita, pour un rendu esthétique soigné.
À l’opposé, l’impression 3D mise sur des résines d’impression 3D certifiées de classe 2A, adaptées à un usage définitif ou à long terme. Cela nécessite une imprimante 3D dentaire performante et un processus certifié complet, mais le jeu en vaut la chandelle.
La prothèse amovible complète et l’impression 3D : les grandes évolutions
L’impression 3D redéfinit la fabrication des prothèses amovibles complètes grâce à une combinaison d’outils avancés et de matériaux innovants.
Les résines certifiées sont au cœur de cette évolution, mais leur efficacité dépend du post-traitement. Une exécution rigoureuse – nettoyage, cuisson, finition – est essentielle pour garantir une prothèse durable et fonctionnelle.
Un atout majeur : l’impression 3D consomme uniquement la matière nécessaire à la pièce, sans gâchis significatif, hormis les supports d’impression. Cela contraste avec l’usinage, où les pertes atteignent 60 à 80 % du disque.
De plus, l’investissement initial est moindre qu’en usinage, et les logiciels pour imprimantes 3D, souvent gratuits et sans licence payante, offrent une liberté de forme précieuse, avec moins de contraintes sur les contre-dépouilles qu’en usinage.
Les résines 3D, bien que moins robustes que les matériaux définitifs, répondent parfaitement à ce besoin. D’ailleurs, un maquillage à la main peut être appliqué pour ajouter des détails esthétiques, comme des effets de veines, rendant ces provisoires encore plus convaincants.

Enfin, les résines chargées en céramique marquent un tournant. Leur résistance se rapproche de celle d’un PMMA usiné, avec un rendu visuel attrayant grâce à une légère translucidité, bien que le choix de teintes reste limité par rapport à l’usinage. Les futures évolutions promettent toutefois d’enrichir cette palette.
Les coûts sont réduits sans compromis sur la qualité, un argument rassurant pour les laboratoires soucieux de leur budget. Contrairement à l’usinage, qui traite les pièces une par une, l’impression 3D permet de produire par lots, optimisant le temps et limitant les pertes aux seuls supports d’impression.

Une approche hybride gagne du terrain : intégrer des dents du commerce, comme les Vita Vionic, dans une conception numérique.
Sur un logiciel de CFAO, les bibliothèques de dents sont fixes en taille et morphologie. Le praticien peut alors usiner ou imprimer en 3D la base, puis acheter les dents Vita séparément. Cette méthode accélère la conception, offre des dents plus esthétiques et un gain de temps notable, même si elle n’est pas toujours la plus économique.
Pour les cas complexes – morphologies grandes ou petites –, le numérique permet d’ajuster les dents sur mesure avant de les associer à une base, qu’elle soit traditionnelle ou imprimée, offrant une flexibilité inégalée.

La prothèse amovible complète et l’usinage : une solidité éprouvée
Pour les prothèses amovibles complètes (PAC), l’usinage reste une référence grâce à sa fiabilité et sa robustesse. Les usineuses se déclinent en 3 axes ou 5 axes. Une usineuse 5 axes, plus coûteuse, garantit une précision accrue pour les formes complexes, tandis que le 3 axes est plus limité et sujet à des casses de fraises, surtout dans les zones difficiles d’accès.
Les fraises, essentielles à l’usinage, sont onéreuses et nécessitent un remplacement régulier, augmentant les coûts d’entretien. Les logiciels de nesting, comme WorkNC, viennent s’ajouter à l’investissement, contrairement aux logiciels gratuits de l’impression 3D.
Côté matière, l’usinage des bases entraîne des pertes importantes (60-80 %), mais il est plus efficace pour usiner les dents.
5. Conclusion : Quelle voie choisir pour vos prothèses amovibles ?
Le paysage de la prothèse dentaire amovible complète est aujourd’hui à la croisée des chemins. D’un côté, la méthode traditionnelle, forte de son histoire et de sa maîtrise artisanale, demeure une référence solide, bien que gourmande en temps et en étapes. De l’autre, la méthode numérique, portée par la CFAO, les scanners intra-oraux et les nouvelles techniques de production comme l’impression 3D et l’usinage, promet efficacité, précision et une expérience patient optimisée.
Comme nous l’avons exploré, le passage au numérique offre des avantages considérables : réduction des délais, diminution des rendez-vous, meilleure adaptation potentielle grâce à une empreinte précise (facilitée par des outils comme les écarteurs Lo Russo ou le rebasage), et la possibilité d’archiver et de reproduire facilement les prothèses. Des logiciels comme exocad simplifient la conception et la copie, tandis que l’impression 3D se distingue par sa flexibilité, son économie de matière et ses coûts d’entrée plus accessibles, talonnant l’usinage, champion de la robustesse avec les matériaux PMMA éprouvés.
L’investissement initial en matériel et formation est réel. Surtout, la technologie ne remplace pas l’expertise du dentiste. La qualité de l’empreinte initiale reste primordiale, le respect des protocoles (cliniques, de scan, de post-traitement pour l’impression 3D) est non négociable, et la compréhension des limites des matériaux et des logiciels est essentielle pour garantir des résultats fonctionnels et durables.
Alors, quelle voie choisir ?
Le traditionnel reste une option viable si la familiarité et un processus éprouvé sont vos priorités, malgré les allers-retours et les délais inhérents.
Le numérique s’impose si l’efficacité, la rapidité et l’innovation sont vos moteurs, à condition d’être prêt à investir et à maîtriser de nouveaux outils et protocoles avec rigueur.
L’approche hybride, combinant par exemple une base numérique avec des dents du commerce ou intégrant des étapes numériques dans un flux de travail par ailleurs classique, offre une transition douce ou une solution sur mesure.
Le tableau comparatif ci-dessous récapitule les forces et faiblesses de chaque approche pour vous aider dans votre réflexion.
Base coulée | Base usinée | Base imprimée | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Dents du commerce | Dents usinées | Dents imprimées | Dents du commerce | Dents usinées | Dents imprimées | Dents du commerce | Dents usinées | Dents imprimées | |
Cout de revient | ⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐ | ⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ |
Esthétique | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐ |
Fiabilité | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐ |
Précision | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ |
Temps humain gagné | ⭐⭐ | ⭐ | ⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ | ⭐⭐⭐ |